L’enquête sur le mème Libra étouffée en haut lieu par le président argentin

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mème Libra

LIBRA. Trois lettres qui ont secoué l’Argentine avant de disparaître brutalement des écrans radar. Fin mars 2025, un mème caricaturant le président Javier Milei, grimé en balance zodiacale « Libra » (Balance), fait le tour des réseaux sociaux. Le montage, aussi absurde qu’acerbe, le présente oscillant entre ultralibéralisme et instabilité mentale, accusé de « peser rien pour les pauvres ». Dans un pays en crise, le mème devient viral.

Ce qui devait être une simple moquerie prend une ampleur nationale. En moins de 72 heures, le mot-clé #LibraMilei atteint les tendances mondiales sur X (ex-Twitter), Instagram et TikTok. Des artistes s’en emparent. Des comptes d’opposants l’intègrent dans des slogans. Même la jeunesse dépolitisée s’amuse du symbole.

L’enquête éclair sur LIBRA mystérieusement stoppée

Face à l’ampleur, le gouvernement lance une enquête confidentielle, soupçonnant une cyber-opération organisée. Objectif annoncé : retracer l’origine du mème. Le ministère de la Sécurité mandate le Secrétariat au renseignement stratégique pour identifier les premiers diffuseurs.

Mais selon une source interne consultée par Página/12, l’enquête prend une tournure politique. Plusieurs indices mèneraient à des groupes d’humoristes numériques proches de l’opposition libertarienne dissidente… et à des comptes situés hors d’Argentine, notamment au Chili, en Espagne et à Miami.

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La surprise ? L’enquête est suspendue du jour au lendemain. Officiellement, « aucun élément menaçant la stabilité nationale n’a été trouvé ». Officieusement, selon deux lanceurs d’alerte du renseignement, l’ordre d’enterrement vient de la présidence elle-même. Le nom de code « Operación Libra » est rayé de tous les rapports. Les copies numériques sont supprimées.

Pourquoi le président a-t-il censuré l’enquête

Tout indique que Javier Milei a redouté un effet Streisand. En voulant identifier les auteurs, il a peut-être compris qu’il amplifiait malgré lui leur message. Plus encore : les premiers résultats montraient une origine composite, décentralisée, impossible à réprimer sans dégâts politiques.

Mais surtout, selon plusieurs analystes argentins, le mème Libra ne visait pas seulement Milei. Il incarnait la contradiction de son pouvoir. D’un côté, un discours de rigueur budgétaire brutal. De l’autre, une communication outrancière et chaotique. Ce mème cristallisait le doute grandissant chez ses électeurs les plus radicaux.

Un signal faible d’une nouvelle forme de résistance

L’affaire Libra marque peut-être un tournant. Loin des marches classiques ou des partis, une contestation numérique, fugace et anonyme, semble se structurer. Une génération ultra-connectée, dépolitisée mais lucide, utilise l’humour comme arme. Ce n’est plus l’époque des affiches ou des tribunes : les mèmes sont devenus les pamphlets du XXIe siècle.

Le cas Libra pourrait inspirer ailleurs. Au Brésil, plusieurs artistes militants ont déjà repris le mème, l’adaptant à Lula et Bolsonaro. En France, des mouvements étudiants évoquent une réappropriation du symbole en riposte aux politiques de coupes budgétaires.

Extrapolation une censure qui en cache d’autres

L’affaire Libra n’est pas isolée. Depuis janvier, trois campagnes virales critiques ont mystérieusement disparu des moteurs de recherche argentins : une parodie d’un discours de Milei remixé en reggaeton, une vidéo TikTok illustrant la privatisation des hôpitaux, et un deepfake humoristique dans lequel le président déclare:

Les pauvres coûtent trop cher.

Vers une guerre culturelle cryptographique

Des développeurs crypto ont profité du chaos pour lancer un Token parodique nommé $LIBRA sur la blockchain Solana. Sa capitalisation, partie de zéro, atteint 4 millions de dollars en trois semaines, avant de s’effondrer. Le Token n’a aucune utilité mais attire des milliers de jeunes Argentins déçus du peso et des promesses présidentielles.

Au-delà du buzz, ce phénomène montre une chose : une jeunesse argentine réactive, ironique et techniquement armée. Ni partisane ni révolutionnaire, mais allergique au mensonge et aux symboles imposés.

Une fracture numérique irréversible

Pour conclure, le cas Libra, étouffé mais révélateur, expose un nouveau clivage. Moins politique que générationnel. Moins idéologique que symbolique. Une guerre de récits. Un affrontement entre le pouvoir pyramidal et les foules liquides du numérique.

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